Trio épistolaire pour un duo meurtrier

Les œuvres policières et autres thrillers, qui rencontrent un succès toujours grandissant ces dernières années, s’inspirent bien souvent de faits réels. Mary Higgins Clark, une collectionneuse de best-sellers du genre, n’a-t-elle pas déclaré que tous ses livres étaient partis d’un entrefilet de la rubrique « faits divers » ? Aussi laissez-moi vous en présenter un qui a retenu mon attention par son aspect hors-norme…

C’est une affaire bien peu banale qui s’est ouverte le lundi 30 août 2010 au Palais de Justice de Montréal. Nick Paccione, violeur récidiviste de 43 ans, déjà incarcéré au pénitencier de Port-Cartier au moment des faits, est accusé d’avoir incité plusieurs fois, à travers leur correspondance, le violeur et tueur en série Angelo Colalillo à passer à l’acte.

Une affaire bien peu banale donc, mais qui ne s’arrête pas vraiment là… où plutôt qui ne débute pas vraiment là… Mais, commençons par présenter nos trois protagonistes – car, et oui, il y a un troisième larron, une larronne en l’occurrence…

Nick Paccione

Source : http://www.radio-canada.ca/ (D.R.)

Nick Paccione est incarcéré une première fois pendant 7 ans, pour plusieurs viols. Il est condamné à perpétuité en mai 1998 pour avoir agressé – six mois après sa libération – sa voisine qui parvint miraculeusement à s’enfuir. Les psychiatres, ayant considéré qu’il présentait « une importante déviance sexuelle s’aggravant avec les années », il est déclaré « délinquant dangereux ». Une étiquette qui pour la justice canadienne, plus que la perpétuité réelle, entraîne une incarcération pour une durée indéterminée.

Angelo Colalillo, quant à lui, est « l’archétype du déviant sexuel dangereux ». Condamné, à l’âge de 22 ans, pour de multiples viols dans Montréal-Nord, il écopera de 11 années de prison et sortira sur parole en 1993. Deux ans plus tard il est à nouveau condamné pour deux viols. Deux viols qui marquent d’ailleurs une montée en puissance de la violence du personnage, l’une des victimes ayant été battue et l’autre frappée avec un marteau… Il sortira deux ans plus tard, en 1997.

Parlons à présent de notre larronne… Marlène Chalfoun, agente de probation bien notée et appréciée de sa hiérarchie, est une femme apparemment sans histoires, dont le rôle est de juger du devenir carcéral des délinquants sexuels.

Revenons maintenant, les protagonistes nous ayant été présentés, à notre affaire !

Tout commence le 3 octobre 2002 lorsque la justice saisie dix lettres de Paccione chez Colalillo, lors de son arrestation. Ce dernier avait été reconnu sur photo par une jeune femme qu’il avait tenté d’agresser peu de jours auparavant. Le lendemain se seront trente lettres de Colalillo qui seront retrouvées dans la cellule de Paccione. Il faut dire que les deux hommes se sont liés d’amitié quelques années plutôt, en prison. Colalillo deviendra même le mentor de Paccione… Se reconnaissant dans leurs déviances communes, les deux hommes ont entretenue une relation épistolaire pendant près d’un an, a compter de septembre 2001.

Si Colalillo – qui signe « Frank » ou « Frankie » – raconte les exploits d’un certain « Bob » et donne des conseils techniques à Paccione pour la réalisation de viols et meurtres en toute impunité. Ce dernier, quant à lui, pousse son comparse en liberté à intensifier ses sombres activités. Il lui fournit de nombreux et complexes scenarii à mettre en application… Il faut également préciser que certains détails des exploits de Bob permettront de relier Colalillo à plusieurs affaires jusque-là classées en accidents.

Pour ce qui est de Marlène Chalfoun, elle rencontre Paccione dans le cadre de sa fonction. Correspondant avec lui pour des raisons professionnelles, elle outrepassera rapidement son rôle. Elle lui livre des scenarii érotico-morbide, encourageant ses fantasmes déviants. Bientôt c’est une relation à trois qui se forme avec le mentor… Elle demandera à Frank de bien profiter de sa liberté, en violant et tuant, notamment… sa cousine et ses deux enfants. « Ce devra être très dégueulasse et très violent » écrit-elle. Elle incitera le tueur à rendre visite à d’autres de ses proches ou à des inconnus. Chalfoun donne de nombreux détails sur les futures victimes, permettant potentiellement de les identifier, mais ne révèle jamais leur adresse. Elle a aussi rencontré Frank à deux reprises au cours de l’année 2002.
En septembre 2003, après 11 mois de détention préventive, elle est inculpée pour avoir « comploté avec deux prédateurs sexuels ». Elle plaidera pour une relecture de sa tendancieuse correspondance, voulant démontrer la tentative d’une « littérature à vocation thérapeutique »… comme le qualifieront les journalistes présents au procès. Aidant Paccione à « ventiler son imagination », dixit Marlène Chalfoun. Une ligne de défense surprenante pour un jugement qui s’avérera l’être tout autant. La justice estimera « que la correspondance échangée avec les deux hommes ne constituait pas un véritable complot, mais se situait plutôt dans la zone des fantasmes d’une femme ayant d’importantes carences affectives ». Ce jugement s’appuyant sur l’unique analyse psychiatrique faites de Chalfoun. Pour beaucoup ce jugement rend compte du malaise de la Couronne à juger une fonctionnaire modèle, elle-même garante de la loi… Elle sera cependant révoquée de la fonction publique.

Angelo Colalillo sera retrouvé dans un coma profond, le samedi 7 janvier 2006, par les gardiens de la prison de Rivière-des-Prairies à Montréal. Il décédera finalement quelques jours plus tard, l’autopsie confirmant le suicide. Il échappe ainsi à son procès qui devait s’ouvrir le 9 janvier…

Nick Paccione, quand à lui, comparait donc une nouvelle fois devant la justice canadienne pour répondre de cette correspondance malsaine. « A 11 reprises, il a incité Colalillo à commettre des meurtres qu’il n’a finalement pas commis. Paccione connaissait Colalillo et savait de quoi il été capable » a déclaré le procureur de la Couronne, chargé du dossier. L’affaire a d’autant plus d’importance aux yeux des instances judiciaires que, si Paccione est a priori emprisonné à perpétuité, son statut de « délinquant dangereux » l’autorise à faire valoir ses droits auprès de la Commission nationale des libérations conditionnelles au bout de 7 ans, son dossier étant ensuite révisable tous les 2 ans…

Alors, écrivains en quête d’inspiration, à vos marques… Partez !


Pour plus d’information, je vous conseille deux vidéos d’archives proposées sur le site de Radio Canada, qui a largement couvert l’affaire :

Radiocanada - Nick Paccione aurait poussé au crime deux individus

Source : http://www.radio-canada.ca/ (D.R.)

Radiocanada - Les explications d'Isabelle Richer

Source : http://www.radio-canada.ca/ (D.R.)


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